1. Le mythe en bref
La chute
de Phaéton vue par un artiste anonyme illustrant les constellations
(ici Eridanus)
Villa Farnese, Caprarola, Italie, vers 1573
Ovide (43 av. JC , 17 ou 18 ap ) a consigné
dans ses "Métamorphoses", véritable texte fondateur
de la mythologie classique, l'histoire de Phaéton, fils de la nymphe
Clyméné et de Phébus-Hélios, le (dieu du)
Soleil.
Ce mythe d'origine grecque est bien antérieur
à l'Empire Romain, et est déjà connu de Platon (427,
-348 ) comme on le verra plus bas. Il se pourrait même qu'il ait
été connu par les Sumériens (vers -4000 !)
En voici un résumé établi
d'après la version d'Ovide:
L'Océanide Clyméné
( Clymène dans la version latine d'Ovide) étant l'épouse
de Mérops (qu'elle a trompé avec Phébus), Phaéton
entretient de légitimes doutes sur sa filiation divine. Sa mère
l'engage donc à en obtenir la confirmation de Phébus lui-même.
Après un long voyage, il arrive
enfin au palais du Soleil. Le Soleil l'ayant aperçu l'accueille en fils
et lui demande ce qu'il est venu chercher sur ces hauteurs.
Phaéton lui répond qu'il
sollicite des gages qui attesteraient qu'il est vraiment issu du dieu,
des gages suffisamment forts pour qu'ils chassent tout doute de son esprit.
Alors, pour faire plaisir à son fils, Phébus jure sur le
Styx de lui accorder tout ce qu'il désire.
A peine a-t-il achevé que Phaéton
demande le char de son père et le droit de le conduire pendant une journée.
Aussitôt, le père se repent
amèrement de son serment. Il ne peut plus revenir sur son engagement
mais tente de dissuader Phaéton car la tâche ne convient
ni à ses forces, ni à son jeune âge.
Par tous les moyens, il cherche à
faire revenir Phaéton sur son souhait, mais celui-ci, rebelle à
ce discours, persiste dans son projet, le dieu du Soleil est alors obligé
de se soumettre.
Les chevaux du Soleil pleins de fougue
s'élancent mais le joug n'a pas son poids ordinaire. Dès que le
quadruple attelage s'en est aperçu, il se précipite, abandonne la piste
battue et ne suit plus la même direction qu'auparavant. Phaéton
s'épouvante, il ne sait de quel côté tirer les rênes, il ne sait de quel
côté est son chemin .
Les chevaux s'élancent, tantôt
jusqu'aux étoiles fixées dans les hauteurs, tantôt
par des descentes et des précipices, ils tombent dans des espaces voisins
de la terre.
Les flammes dévorent
alors les lieux les plus élevés de la terre qui se fend, s'entrouvre
et se dessèche. De grandes villes périssent avec
leurs remparts; des territoires entiers avec leur population sont réduits
en cendre par l'incendie. Des forêts brûlent avec les montagnes.
La mer se resserre,
des plaines de sables arides remplacent ce qui était naguère l'océan,
des montagnes jusque-là couvertes par ses eaux profondes, surgissent.
Alors le souverain des dieux Zeus-Jupiter,
pour éviter la destruction de l'Univers, lance sa foudre contre
le conducteur du char et réduit son char en miettes.
Phaéton,
sa chevelure rutilante ravagée par la flamme, tombe, foudroyé,
à travers les airs, où il laisse en passant une longue traînée. Il
est précipité au loin dans le fleuve Eridan.
Sil faut en croire la tradition, un
jour entier s'écoula sans soleil et l'incendie seul éclaira le monde dévasté.
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2. Le mythe dans le "Timée" de Platon
Les
hommes ont été détruits et le seront encore et de beaucoup de
manières. Par le feu et par l'eau eurent lieu les destructions
les plus graves. Mais il y en a eu d'autres moindres, de mille
autres façons.
Car, ce qu'on raconte aussi chez vous, qu'une fois, Phaéton,
fils d'Hélios, ayant attelé le char de son père, mais incapable
de le diriger sur la voie paternelle, incendia tout ce qu'il y
avait sur la terre et périt lui-même, frappé de la foudre, cela
se dit en forme de légende.
La
vérité, la voici : une déviation se produit parfois dans les corps
qui circulent au ciel, autour de la terre. Et, à des intervalles
de temps largement espacés, tout ce qui est sur terre périt alors
par la surabondance du feu.
( PLATON, "Timée"
) |
Dans cet extrait du Timée,
mis dans la bouche du "prêtre de Saïs" c'est bien
déjà une tentative d'interprétation qui est proposée,
et, on peut dire assez bien réussie...Cette remarque témoigne
en tout cas d'un esprit critique certain envers des textes mythologiques
ainsi qu'une bonne capacité à traduire en termes scientifiques
(pour l'époque) ce qui est véhiculé par
une poésie dont on aurait tort de ne pas entendre le message.
3. D'autres "Phaéton" ?
En ayant à l'esprit cette interprétation
(somme toute transparente...), bien d'autres mythes et récits légendaires
peuvent s'apparenter à l'aventure de Phaéton.
Dans l'espace francophone, tout le monde
(d'un certain âge!) garde le souvenir scolaire de "nos ancêtres
les Gaulois" qui craignaient que "le ciel leur tombe sur la
tête". C'est évidemment en référence à
cela que les astronomes ont plaisamment baptisé du nom de "Toutatis"
(dieu celte de la guerre, protecteur de la tribu) un astéroïde
de type Apollo qui frôle la Terre tous les quatre ans...
On peut facilement trouver des correspondances
entre ce mythe et les nombreuses "batailles célestes"
que nous ont transmises les traditions, telles celle que l'on rencontre
dans le Mahâbhârata (Mort de Drona), dans l'Edda (le Ragnarok)
ou encore dans le Pop Wuh des Mayas. De même une bonne part des
multiples "serpents cosmiques" et autres dragons volants qui
parsèment les mythes du monde entier peuvent parfaitement se décrypter
si on les assimile à des comètes et à leur longue
chevelure.
Tous ces textes sont familiers de descriptions
de pluies de pierres, de pluies de feu, de disparition du soleil, et de
désastres divers. Le mot "désastre" est d'ailleurs
ici à prendre presque avec son sens premier puisque ce mot vient
de l'italien disastro contraction de disastrato "né
sous une mauvaise étoile"...
La mythologie grecque nous fournit un bon
exemple d'une lecture possible d'un mythe sinon incompréhensible
à la lueur de la description d'un ciel astronomiquement plus agité
qu'aujourd'hui. Il s'agit de la naissance d'Athéna qui sortit tout
armée de la tête de Zeus et poussa en naissant un cri de
guerre qui retentit dans le ciel et sur la terre. La description de la
fragmentation d'une comète frôlant la Terre pourrait
tout à fait être la base réelle de cette interprétation
mythologique.
Dans ce même domaine grec, Hésiode
fournit dans la Théogonie ce qui pourrait bien être
le souvenir d'un impact (ou plutôt de plusieurs). Il s'agit du
passage relatant le combat de Zeus et des Titans:
"Et le
lourd roulement de descendre jusqu'au Tartare humide, mêlé
aux stridences abruptes de la poursuite immense et des javelines terribles.
(...) Zeus allait, foudroyant sans relâche, et les coups de la
foudre volaient au but, guidant l'éclair, suivis du tonnerre,
de sa main nerveuse, versant la flamme divine, drue, tournoyante. (...)
Partout le sol bouillonnait, et les flots de l'onde océane et
l'abîme infertile des mers. (...) Les immenses flammes montèrent
jusqu'aux nuages (...) un immense tohu-bohu jaillit (...) Les vents
soulevaient les frémissements, la poussière, le tonnerre,
l'éclair et la foudre aux lueurs flamboyantes. " et
pour faire bonne mesure, les Hécatonchires aux cent têtes,
alliés de Zeus, "empoignèrent trois cent rochers
de leurs mains vigoureuses et les lançaient tour à tour,
ensevelissant les Titans sous la masse."
La " pluie de soufre et de feu
" qui détruit Sodome, Gomorrhe et d'autres villes selon
la Genèse peut, elle aussi, être assimilée
à des impacts de météores. Et que dire de l'étoile
qui guida les compagnons de Jacques jusqu'à Compostelle (Campus
Stellae ou le champ de l'étoile) ou de celle qui guida les
Rois Mages à Bethleem?
Signalons enfin que dans le Pop Wuh, le
livre sacré des Mayas, il est dit que les "hommes de bois"
(humanité sculptée "dans le bois de pito pour l'homme,
dans le bois de sassafras pour la femme" ) ont été
anéantis par les dieux. Tout d'abord "du Ciel tomba une
pluie de feu" puis "la face de la Terre s'obscurcit et
il s'abattit une pluie ténébreuse, de jour et de nuit.".
Succession d'événements intéressante...
4. Mécanique céleste
Les thèses controversées
de Velikovsky (dont le livre le plus célèbre est "Worlds
in Collision", 1950) commencent à accéder timidement
au purgatoire après une longue période d'enfer. Les découvertes
des astronomes Clube et Napier ("The Cosmic Serpent", 1982
et "Cosmic Winter", 1990) sont ouvertement discutées
dans les congrès scientifiques internationaux et lancent les bases
d'un "coherent catastrophism".
Cela montre bien que la communauté
scientifique commence à évoluer. Il y a eu une époque,
en effet, où le simple fait d'associer dans une même phrase
les mots "mythes" et "science" excluait son auteur
de tout crédit... Bien sûr, les dérives ont été
nombreuses et il convient d'être prudent. Cependant, il semble
bien que des preuves (scientifiques) s'accumulent pour confirmer
que le ciel de notre bonne vielle Terre a connu une ou plusieurs époques
beaucoup plus agitées qu'actuellement.
Si l'on imagine le spectacle indéniablement
apocalyptique que peut représenter, par exemple, la fragmentation
d'une comète à proximité de la Terre et le mitraillage
concomitant de notre planète par des centaines, voire des milliers,
de débris, on peut avoir une bonne base pour analyser tout un pan
de nos mythologies. Considérons en outre que ce spectacle a peut-être
été offert à des gens n'étant encore qu'à
l'aube de la civilisation et que, dans notre humaine nature, l'explication
"divine" est bien commode pour expliquer ce que l'on ne comprend
pas!...
La comète Encke et les Taurides
qui sont des météores issus d'une fragmentation partielle
de la comète-mère sont ainsi régulièrement
mis en accusation. Et cette accusation ne remonte pas toujours aux temps
préhistoriques!
Le consensus existe maintenant dans la
communauté scientifique pour expliquer la (jusque là) mystérieuse
explosion de la Toungouska en Sibérie (1908) par l'explosion juste
avant l'impact d'un fragment cométaire d'un diamètre supposé
de 20 à 60 m. (énergie déployée comparable
à une bombe nucléaire de 15 mégatonnes). Et l'origine
semble bien en être un fragment émanant justement des Taurides.
Autre consensus, là encore assez
récent, sur le désormais célèbre impact qui
frappa la péninsule du Yucatan au Mexique il y a 65 millions d'années
et que l'on suppose responsable de l'extinction des dinosaures. Il faut
dire que ce qui a formé le cratère de Chicxulub, d'un diamètre
de 180 km, a dégagé une énergie équivalente
à cent millions de mégatonnes de TNT (à titre
de comparaison la totalité de l'arsenal nucléaire mondial
en 2000 n'aurait produit QU'une énergie équivalente à
soixante mille mégatonnes...)
Mais pour bien sentir que ce genre de phénomène
est toujours actif il suffit simplement de s'allonger dans l'herbe par
une belle nuit étoilée d'été... et de faire
un vu à l'apparition de chaque "étoile filante"!
Le "flux météoritique"
est la masse totale d'objets frappant la Terre chaque année. La
plus grande partie de ce matériel est (heureusement) composé
de micro-météorites . Mais cette masse est non négligeable
puisqu'estimée à plusieurs dizaines de milliers de tonnes
par an! En outre la possibilité d'avoir des impacts produits par
des objets de taille plus importante est tout à fait réelle
bien que faible. Cependant qu'une probabilité soit faible ne signifie
pas que ce phénomène ne va pas se produire demain (ou dans
mille ans!...)
En 1989, moins de sept heures nous ont
séparés d'un impact avec le "Near Earth Asteroid"
(NEA) répondant au doux nom de "1989-C". Son avance
-ou son retard - au rendez-vous évitant ainsi une gigantesque
catastrophe puisque son impact aurait dégagé une énergie
équivalente à une explosion de 2000 mégatonnes
de TNT! Sans vouloir faire du catastrophisme, il faut également
signaler que l'objet en question ne fut découvert qu'APRES son
passage à proximité de la Terre.... (Les pages "Actualités"
de ce site recensent régulièrement de tels passages ou
de telles possibles "rencontres".)
Meteor Crater,
Arizona, impact datant de 50 000 ans
1200 m de diamètre, 200 m. de profondeur
responsable: un N.E.A. métallique de 2 millions de tonnes!