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L'épopée atlante
((( A la recherche de l'orichalque )))


Plan

Une page à lire comme une enquête policière,

pour déterminer ( ...peut-être ! ) ce qui se cache derrière ce mystérieux métal...

 

L'orichalque est très certainement l'élément atlante le plus merveilleux et le plus emblématique. Platon fait référence à ce métal dans les seuls passages suivants du Critias:

En premier, lorsqu'il décrit l'économie du pays:

(A) "D'abord, tous les métaux, durs ou malléables, extraits du sol par le travail de la mine, sans parler de celui dont il ne subsiste aujourd'hui que le nom, mais dont en ce temps-là il y avait plus que le nom, de cette espèce qu'on extrayait de la terre en maints endroits de l'île, l'orichalque. C'était alors le métal le plus précieux après l'or. "

Ensuite pour dépeindre la triple enceinte qui protège la capitale:

(B) " Le mur qui entourait l'anneau extérieur, ils en recouvrirent tout le tour de bronze, comme en appliquant un vernis ; celui de l'enceinte intérieure fut enduit d'étain fondu ; et celui qui entourait l'acropole elle-même d'un orichalque qui avait des éclats de feu."

Puis pour décrire le temple de Poséidon:

(C) " À l'intérieur, tout le plafond était d'ivoire mêlé d'or, d'argent et d'orichalque, ce qui lui donnait un aspect bariolé ; tout le reste, les murs, les colonnes et le pavement, ils le recouvrirent d'orichalque. "

En dernier lieu pour signaler l'existence d'une colonne bien particulière de ce même temple (mais on sait déjà par l'extrait "C" que les colonnes sont recouvertes d'orichalque.)

(D) " Mais le pouvoir qu'ils ( = les dix rois de l'Atlantide ) avaient les uns sur les autres et leur communauté était réglé d'après les instructions de Poséidon, telles qu'elles avaient été transmises par une loi, gravée par les premiers rois sur une colonne d'orichalque au centre de l'île dans le sanctuaire de Poséidon. "

Dans toute la littérature antique nous n'avons pratiquement que ces quelques lignes qui citent le nom de ce métal.

Pour être vraiment complet, il faut néanmoins rajouter une mention de l'orichalque dans le second "Hymne à Aphrodite" (hymne anonyme appartenant aux "Hymnes Homériques" ) pour décrire les boucles d'oreilles de la déesse qui étaient des fleurs d'or et d'orichalque:

Je chanterai la belle Aphrodite à la couronne d'or.
Elle a pour empire les bords de l'île de Chypre, où le souffle humide du zéphyr la transporte sur une molle écume à travers les vagues mugissantes de la mer. Les Heures aux riches bandeaux la reçoivent avec allégresse et l'ornent de vêtements divins: sur son front immortel elles placent une belle couronne d'or admirablement travaillée, dans ses oreilles percées des bijoux d'orichalque, enrichis d'or pur ; elles environnent son cou délicat d'un collier d'or qui retombe sur sa blanche poitrine, admirable collier que portent les Heures elles-mêmes quand elles se rendent aux danses des dieux et dans le palais de leur père.

... et une autre dans "Le Bouclier d'Héraklès" poème longtemps attribué à Hésiode mais considéré de nos jours comme inauthentique dans lequel l'auteur parle des jambières d'Héraklès qui étaient en orichalque.

Ses jambières d'orichalque splendide, don fameux d'Héphaistos, il les enfila sur ses jambes.

On conviendra que cela fait bien peu pour un métal sur lequel Platon attire particulièrement notre attention...

Arrêtons-nous un instant sur le nom lui-même. Orichalque, "oreikhalkon" en grec, est formé sur "oros" signifiant montagne et sur "khalkhos" signifiant cuivre. L'orichalque est donc "le cuivre des montagnes " ( ? ) . Quel métal se cache derrière cette expression ? Là est la question, et on va voir que la réponse peut nous amener à confirmer le lieu d'implantation supposé de l'Atlantide.

Tout d'abord voyons ce que N'est PAS l'orichalque:

  • pas du CUIVRE (pur), ce métal est connu de Platon, est très connu du monde grec et du monde égyptien (l'île de Chypre lui doit son nom en raison de ses nombreuses mines), il n'y aurait donc eu aucune raison de ne pas employer ce nom au lieu d'une expression obscure.
  • pas du BRONZE, métal utilisé et nommé par ailleurs. Ce terme général désigne tous les alliages binaires de cuivre et d'étain.
  • pas de l'ETAIN, métal utilisé et nommé par ailleurs.
  • pas de l'OR, métal utilisé et nommé par ailleurs.
  • pas de l'ARGENT, métal utilisé et nommé par ailleurs.

Ceci nous entraîne à faire plusieurs remarques:

1. Si, par ordre de valeur, l'orichalque venait juste après l'or, cela signifie qu'il devait être tout de même assez rare, mais devait se trouver en plus grande quantité que l'argent par exemple. En conséquence il nous faudra tenter de localiser une zone dans laquelle il y a (ou a pu avoir) des mines d'or ET des mines d'argent (à cause de la valeur, s'il n'y avait pas d'argent à proximité c'est sûrement ce métal qui serait en deuxième position ) , des mines de cuivre ET des mines d'ETAIN (à cause du bronze). Cela fait un pays ou une région très riche en productions minières, mais c'est bien ce que dit Platon!...

2. Il est bien rare d'épuiser complètement un filon. Il serait vraiment surprenant que TOUTES les mines de ce métal mystérieux aient disparu sous les eaux, d'autant plus que, étant donné l'étymologie, elles devraient plutôt se trouver... en montagne. Donc cela signifie que l'on devrait ENCORE pouvoir exploiter des mines d'orichalque quelque part dans le monde!

3. Mais on peut aller encore plus loin: puisqu'il doit logiquement exister de telles mines, il semblerait tout à fait inconcevable qu'elles ne soient pas... EXPLOITÉES !... De nos jours, sur cette Terre, tout ce qui peut présenter un quelconque intérêt EST exploité. Et l'orichalque, métal, à l'époque, plus rare que l'argent et à peine moins que l'or présente sûrement encore un évident intérêt. Donc il est exploité. Quelque part, en ce moment, presque sous nos yeux. Et nous ne le voyons pas... parce que, bien sûr, ce n'est pas sous ce nom que nous le connaissons aujourd'hui...

Les indices géographiques apportés par Platon ( cf. "Il y avait une île...") nous ont peut-être permis de localiser la zone d'origine des Atlantes dans les Caraïbes et l'Amérique centrale. La géologie minière confirme-t-elle cette localisation?

La première encyclopédie venue nous apprend ou nous rappelle ce dont on se doutait déjà: l'Amérique centrale est renommée pour ses minéraux.

Il existe des gisements d'or, d'argent,de plomb, de fer, de zinc, de cuivre au Honduras. Le Costa Rica est riche en bauxite. Le Panama possède de vastes gisements de cuivre. Le sous-sol mexicain renferme quasiment tous les minerais connus dont le fer, l'uranium, l'argent, l'or, le cuivre, le plomb et le zinc. Au Guatemala on trouve du nickel, du plomb, du zinc, du cuivre, de l'antimoine et du tungstène.

En Haïti si la plupart des gisements miniers ne sont plus rentables et sont donc peu exploités ils ont existé en grand nombre autrefois et ont permis l'extraction de minerais très variés: bauxite, or, argent, cuivre, et nickel . Le sous-sol de Porto Rico renferme du cuivre, du chrome, du nickel et du minerai de fer. A Cuba l'extraction minière concerne essentiellement le nickel , le cuivre, le manganèse, le chrome et le zinc. En République Dominicaine la production de bauxite, autrefois importante, a pratiquement disparu mais on produit surtout du nickel, de l'or et de l'argent. Enfin la Jamaïque est le troisième producteur mondial de bauxite.

( malgré toutes ces possibilités les civilisations de Méso-Amérique ont presque complètement ignoré le métal . On ne trouve des objets métalliques d'ornement qu'à partir du IX° siècle de notre ère, encore sont-ils destinés uniquement aux élites... )

Ce rapide survol minier de la région en cause nous conforte au moins dans l'idée que la remarque de Platon concernant les productions minières de l'Atlantide se justifie pleinement dans le cadre d'une localisation dans cette partie du monde.

En ce qui concerne le choix de notre métal issu de ces différents minerais on a donc le choix entre: le plomb, le fer, le zinc, le nickel, le chrome et le manganèse ( oublions l'antimoine et le tungstène du Guatemala, un peu trop confidentiels.).

Le fer, le plomb et le zinc sont connus depuis l'Antiquité et ne sont pas vraiment rares. Chrome et manganèse, ne sont qu'utilisés en alliages, de même que le nickel.

Alors ?

Alors, si l'on revient à la liste des productions minières établie ci-dessus, on voit bien qu'il reste "quelque chose" d'inutilisé, seulement on a du mal à y croire...

On trouve de la bauxite au Costa-Rica, dans les Guyanes, en Haïti, en République Dominicaine et surtout en Jamaïque où certains filons affleurent même au niveau du sol. Et tout le monde sait que la bauxite n'est pas autre chose que le minerai... d'aluminium ! Seulement voilà, l'aluminium est un métal très "jeune" , sa production industrielle ne date que d'un siècle et demi approximativement. C'est par exemple une barre d'aluminium qui fut, en raison de sa nouveauté, le clou de l'Exposisition Universelle de Paris en 1855. ( Sir Davy n'établit l'existence de l'aluminium qu'en 1808 et Berthier ne donna le nom de "bauxite" au minerai, en référence au village des Baux en Provence, qu'en 1821.)

Alors c'est vrai qu'on a un peu de mal à croire que l'orichalque atlante puisse être de l'aluminium. D'autant plus que sa fabrication demande une quantité d'énergie très importante et surtout d'électricité ( C'est par électrolyse que l'on obtient l'aluminium à partir du minerai dissous dans un solvant ).

Cependant, on doit noter que dans l'Antiquité, Pline l'Ancien, auteur latin du Ier siècle ap.JC, note dans son "Histoire Naturelle" (l'Encyclopédie de l'époque) une curieuse histoire. Il rapporte en effet la présentation par un orfèvre à l'empereur Tibère d'une grande assiette "en un nouveau métal" . Et il précise qu'elle "était très légère et presque aussi brillante que l'argent." L'orfèvre ayant précisé à l'empereur que "seul lui-même et les dieux" savaient produire ce métal, l'empereur aurait dû être très intéressé. Cependant, Tibère, pensant que les monceaux d'or et d'argent qu'il avait amassé perdraient de leur valeur devant ce nouveau métal, fit décapiter l'orfèvre dont on n'entendit plus parler... hélas (pour lui...et pour nous! ).

Cette petite histoire se passait il y a environ 2000 ans et beaucoup y voient réellement une mention "avant l'heure" de notre métal!

Il faut dire que l'aluminium n'est pas un élément rare: c'est le constituant métallique le plus abondant de la croûte terrestre. Seuls les éléments non métalliques, oxygène et silicium, sont plus répandus. La bauxite est le plus important minerai d'aluminium, composé d'oxyde d'aluminium hydraté. Sa couleur peut varier du blanc au marron. On trouve habituellement la bauxite sous forme d'agrégats à gros grain.

Bauxite

...un orichalque qui avait des éclats de feu ?

La bauxite est formée par l'altération des roches granitiques en climat humide et chaud. Des argiles contenant des silicates hydratés d'aluminium étaient utilisés par les Égyptiens pour leurs poteries, en outre, ils connaissaient et utilisaient l'alun, sulfate d'aluminium, pour fixer les teintures.

Dans l'hypothèse caraïbe, il semble impensable qu'une civilisation ait occupé suffisamment longtemps ces îles sans chercher à utiliser ce minerai qui s'y trouve en abondance.

Les Atlantes, sans parvenir à fabriquer de l'aluminium, n'ont-il pas pu se servir de la bauxite pour créer un alliage? Ont-ils trouvé empiriquement une technique permettant, autrement que nous ne le faisons, d'extraire le métal du minerai ? Ces questions risquent de rester longtemps sans réponse mais l'hypothèse orichalque = pseudo-aluminium semble être au moins plausible...

(Signalons au passage que lorsque l'empereur français Napoléon III (empereur de 1852 à 1870) reçut le roi de Siam, le banquet officiel présenta l'originalité d'être servi dans des assiettes d'aluminium -les couverts étant également dans ce métal- car c'était alors un métal bien plus rare et précieux que l'or!... Or cet aluminium n'avait évidemment pas été obtenu avec une débauche d'énergie électrique mais plus simplement par procédé chimique.)

Malgré l'abondance de la bauxite dans la zone, la valeur du métal -d'après le "Critias"- (en seconde position après l'or) aurait pu venir de la difficulté à l'obtenir.

Quant à Héraklès dont nous avons parlé au début, il devrait courir plus vite avec des jambières à base d'aluminium qu'avec un harnachement en plomb! Et Aphrodite moins souffrir avec de plus légères boucles...

Une dernière remarque enfin : tout au long de l'histoire, des alchimistes ont cherché par d'étranges manipulations à, disait-on, obtenir de l'or. Ne pourrait-on pas imaginer que ce serait plutôt le secret de l'obtention de ce métal devenu fabuleux, l'aluminium-orichalque des Atlantes qu'ils cherchaient à retrouver? Les alchimistes, véritables savants pour la plupart, précurseurs des chimistes modernes, étaient d'ailleurs les héritiers d'une science antique née en Egypte il y a au moins 3000 ans...

 

 
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