![]() L'épopée atlante ((( Les îles fabuleuses d'Extrême-Occident))) |
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Le pays du soleil couchant a toujours été chargé de signification. Pour les Anciens, c'est le séjour de l'au-delà, celui des bienheureux. C'est là qu'ils placent les "îles Fortunées". Homère y situe les "Champs Elyséens" Le jardin des Hespérides, théâtre d'un célèbre "travail" d'Héraclès, est également dans ces parages. Voici quelques-unes de ces terres qui ont nourri les rêves occidentaux pendant des siècles et qui ne sont peut-être que le lointain écho d'une terre atlante engloutie. [ Tir Na
N'Og ] * [ l'île de Saint-Brendan ]
* [ l'île de Brasil ] * [
l'île d'Ogygie] |
C'est le "Livre des Invasions" qui raconte l'épopée mythique de l'Irlande. Toute la mythologie insulaire est organisée autour des cinq « invasions » de l’Irlande. Chaque fois, l’île a été occupée et «prise» par une race qui, après un cataclysme, une épidémie ou une bataille, laisse la place à la suivante. (ce qui peut être mis en relation avec la tradition des différents "âges" de l'humanité ) Ainsi se succédèrent: la race de Partholon; celle de Nemed; celle des Fir Bolg; celle des Túatha Dé Dánann; et enfin, celle des Goidels (ancêtres des Irlandais). Dans le cadre de notre recherche c'est l'épisode des Túatha Dé Dánann (la tribu de la déesse Danu) qui nous intéresse le plus. En effet, le "Livre des Invasions" précise que ceux-ci viennent "des îles de l'Ouest" où ils étudiaient la magie. Dans le récit fondamental de la mythologie celtique qu'est le Cath Maighe Tuireadh , ou «Bataille de Mag Tured » (« plaine des Piliers » c'est à dire des pierres levées, des menhirs ), est décrite la lutte des Túatha Dé Dánann, contre les génies oppresseurs et destructeurs que sont les Fomoire ( des géants monstrueux qu'ont dû combattre chacun des envahisseurs successifs de l'Irlande ). Après de nombreuses péripéties et de sanglants combats les Fomoire sont exterminés mais les Túatha Dé Dánann doivent abandonner le pouvoir. Une partie d'entre eux trouve retraite dans de magnifiques demeures souterraines. Les autres se retirent dans une contrée lointaine, "au-delà des mers d'Occident" nommée Mag Meld (plaine de la Joie) ou Tir na n'Og. C'est la terre de l'éternelle jeunesse, le pays des jeunes gens. C'est un monde plein de magie, d'enchantements et de musique, un lieu paradisiaque, hors du temps, source de toute sagesse. Il est explicitement situé à l'ouest, sur une île lointaine. * Au Moyen-Age, l'île de Saint-Brendan (ou Brandan) est si célèbre qu'elle figure sur plusieurs cartes du XIV ème siècle. Plusieurs relations du voyage du saint ermite ont été écrites, mélangeant sans limite nette le monde du réel et le monde de l'au-delà. Le texte mêle des thèmes fantastiques, venus du folklore celtique, et des thèmes chrétiens. Cette île (ou cet archipel suivant certaines versions) marquait dans la tradition irlandaise l'entrée du Paradis terrestre. La « Navigatio sancti Brendani Abbatis » est le plus ancien texte connu relatant ce voyage. Écrit en latin, il remonte au moins au IX ème siècle. Son auteur est un moine irlandais qui vivait dans un monastère de Lotharingie. ( bateau modèle réduit en or Ier siècle av. JC, Irlande) Plusieurs versions de cette histoire existent mais elles sont toutes plus ou moins inspirées par un texte plus ancien, issu des traditions orales irlandaises: "La navigation de Brân" , texte datant du VII ème siècle. Dans ce récit, Brân et ses hommes parviennent à une île appelée Tir na mBán (le pays des femmes), c'est pour eux la Terre promise de l'Ouest. Après un long séjour voluptueux, la reine de l'île les autorisera à partir, mais ils ne pourront plus poser le pied sur la terre ferme. Un des compagnons de Brân qui tentera l'aventure, au retour en Irlande, sera immédiatement réduit en cendres!… Brân fera, du bateau, le récit de ses aventures, puis reprendra la mer et l'on n'entendra plus parler de lui… * Les Irlandais connaissent aussi la fameuse île de Brasil, riche en or. Son nom signifie "la grande île" en gaélique (Ce nom servira ultérieurement – en 1500 - à baptiser une terre sud-américaine sans rapport avec elle). On voit apparaître une île de ce nom, au sud-ouest de l’Irlande, sur un portulan de 1325 . À partir de 1480, plusieurs expéditions partirent du port de Bristol à la recherche de cette île. Christophe Colomb lui-même, avant sa première traversée, navigua jusqu'à Bristol pour prendre des renseignements sur cette île. C’était aussi un des objectifs de Cabot en 1497. On lui accorde généralement une forme circulaire divisée en deux par un large fleuve, ce qui n'est pas très éloigné de la description de la capitale atlante faite par Platon. * L'île d'Ogygie, déjà mentionnée par Homère (Odyssée, XV) est le lieu où Plutarque place sa société idéale. “Ogygie est une île située très loin dans la mer” avait écrit Homère. Plutarque affirme que cette île se trouve à cinq journées de route vers le Couchant, en partant des côtes de la Bretagne, et il indique qu'en continuant encore vers l'ouest on rencontre le Grand Continent ! (Il est intéressant de noter que les spécialistes pensent pouvoir dater le Traité de Plutarque d'où sont tirés ces renseignements -De la face qui paraît sur la Lune – de 80 environ). Ogygie est habitée par le dieu Cronos, ses serviteurs et ses anciens compagnons "du temps où il régnait sur les dieux et sur les hommes". Détrôné par son fils Zeus, celui-ci l'a enchaîné " dans les liens du sommeil" . Cronos repose ici dans une caverne dont les parois ont l’apparence de l’or. (lire ici un extrait du traité de Plutarque à la page " Petite Anthologie Atlante - 3 ") * Dans le monde portugais c'est surtout l'île mythique d'Antilla (ou "île des sept cités") qui occupe les esprits. Son existence est tenu pour tellement certaine que l'archipel découvert par Christophe Colomb sera d'ailleurs baptisé "Antilhas". L'île est portée sur les cartes depuis 1424. Sept évêques s'y seraient réfugiés avec leurs ouailles en 734, au moment où les Maures s'emparèrent de la péninsule. On répétait à son sujet que les biens de la terre s'y renouvelaient sans cesse et que ses habitants y vivaient comblés de plaisirs de toutes sortes. * Au XVème siècle, Paolo Toscanelli (1397-1482), un physicien et cosmographe Florentin, fut le plus ancien partisan connu d'un voyage vers l'ouest, de l'Europe vers l'Extrême-Occident, afin de vérifier ses théories géographiques d'un Extrême-Orient plus directement accessible par une navigation occidentale. Sa carte de 1474 présentée ici (en fenêtre externe pour alléger la page) résume ses conceptions localisant -si l'on peut dire - "au passage" quelques unes des îles mythiques précédemment évoquées (Brazil, Antilia, Saint-Brandan) ..... (l'original de la carte est perdu, il s'agit d'une reconstruction)
(les îles Fortunées d'après "Le livre des Merveilles du monde, XVème siècle) Décidément un océan bien rempli ! N'en négligeons pas pour autant les îles réelles de l'Atlantique et notamment les fameuses "îles Fortunées"… Les navigateurs portugais qui abordèrent à Madère en 1419, puis aux Açores en 1427, ne trouvèrent que des îles vides. Ce ne fut pas le cas aux Canaries. Jean de Béthencourt, gentilhomme normand travaillant pour le roi d'Espagne qui redécouvrit l'archipel en 1402-1404 y trouva une population, les Guanches, depuis très longtemps installés dans ces îles. Leur aspect physique diffère sensiblement de ce que l'on est en droit de s'attendre à trouver à ces latitudes: les Guanches sont en effet décrits comme étant de race blanche, blonds aux yeux bleus et de taille plutôt élevée pour l'époque (1.80 m environ). Les Guanches vivaient dans des grottes, et leur niveau technique n’était guère supérieur à celui des hommes de Cro-Magnon. Ils utilisaient le javelot de bois et la hache de pierre. Ils ignoraient l’usage des métaux et la charrue. Les premiers colons espagnols du début du XVe siècle eurent tôt fait de les massacrer. Les îles avaient déjà été découvertes par les Européens pendant l'Antiquité puisque Pline l'Ancien les a décrites et leur a donné leur nom (dérivé du latin "canis", chien, en raison du grand nombre de chiens sauvages qu'elles abritaient). Elles étaient également connues des Phéniciens et des Carthaginois . Un des nombreux mystères entourant ce peuple perdu dans l'Atlantique est son ignorance de la navigation. Il est très rare, sinon unique qu'un peuple d'îliens n'ait pas une bonne connaissance de la navigation maritime. Certains ont évidemment envisagé l'hypothèse qu'ils pourraient être des descendants des Atlantes qui se seraient réfugiés sur les hauts sommets de leur île pour échapper au cataclysme. Un autre mystère encore: les Guanches embaumaient leurs morts. Dans l'île de Fer (île de Hierro) ont été aménagées des grottes sépulcrales où les Guanches déposaient leurs morts embaumés près d'autels pyramidaux ou tronconiques identiques à ceux du Mexique. Un millier de momies furent trouvées dans la grotte du Barranco de Herque, dans des niches, comme au Pérou. On peut voir ces momies, avec tous les objets nécessaires à leur existence dans l'au-delà, au musée de Las Palmas. Ce procédé, très inhabituel pour des peuplades vivant à l'âge néolithique (qui pratiquent généralement l'inhumation) fait immanquablement penser à d'autres peuples plus ou moins en rapport avec l'Atlantide: les Egyptiens ou les Incas. La redécouverte de pyramides à degrés à Ténérife ( dont le style est très proche des pyramides méso-américaines ) continue d'entretenir le mystère. ( pyramides de Guimar, Ténérife, îles Canaries)
Pour terminer cet inventaire il nous faut signaler le mythe de Tartessos (ou Tarsis). Bien que généralement situé du côté de l'Andalousie actuelle, des localisations insulaires un peu plus au large ont été envisagées. Les Grecs étaient fascinés par l'idée d'un royaume extraordinairement riche situé très loin à l'ouest, au-delà des colonnes d'Hercule. Strabon (-58/25) qui en parle dans sa Géographie, puise largement dans Hérodote (-484/-420) qui décrit en détail le royaume et en particulier son roi Arganthonios. Les anciens Hébreux le connaissent également. Dans le Psaume 72, on peut lire (au sujet de Salomon) que : "les rois de Tarsis et des îles lui apporteront des présents." Dans Rois, 10.22 "Une fois tous les trois ans, la flotte de Tarsis venait (au palais de Salomon) apportant de l'or et de l'argent, de l'ivoire, et des singes et des paons." _____________________________ |
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