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L'épopée atlante
((( Petite anthologie atlante - 6 )))


Plan

 

Jacint Verdaguer : (L'Atlàntida)
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Une des œuvres les plus célèbres du grand poète catalan du XIXème siècle, Jacint Verdaguer, est sans conteste "L'Atlàntida". Cette très longue épopée en vers mêle savamment d'anciennes légendes catalanes, et plus largement, ibériques, avec des visions d'Antiquité.
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Pierrre Benoit : (L'Atlantide)
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Dans "L'Atlantide" (1919), roman à succès de l'Académicien français Pierre Benoit, c'est dans le Hoggar, massif volcanique du Sahara algérien, habité par les Touareg, que vit Antinéa, dernière descendante des rois atlantes.

 

 
 

 

Pierre BENOIT

M. Le Mesge, le savant bibliothécaire du royaume d'Antinéa présente ainsi la nouvelle Atlantide aux deux héros du roman, le capitaine Morhange et le lieutenant de Saint-Avit:

(...) Comprenez bien, poursuivit-il plus calme, l'erreur des gens qui, croyant à l'Atlantide, se sont mêlés d'expliquer le cataclysme où ils ont jugé que l'île merveilleuse avait tout entière sombré. Tous, ils ont cru à un engloutissement. En l'espèce, il n'y a pas eu immersion. Il y a eu émersion. Des terres nouvelles ont émergé du flot atlantique. Le désert a remplacé la mer. Les sebkhas, les salines, les lacs Tritons, les sablonneuses Syrtes sont les vestiges désolés des flots mouvants sur lesquels cinglèrent jadis les flottes partant à la conquête de l'Attique. Le sable, mieux que l'eau, engloutit une civilisation.

Aujourd'hui, de la belle île que la mer et les vents faisaient orgueilleuse et verdoyante, il ne reste que ce massif calciné. Seule a subsisté, dans cette cuvette rocheuse, isolée à jamais du monde vivant, l'oasis merveilleuse que vous avez à vos pieds, ces fruits rouges, cette cascade, ce lac bleu, témoignages sacrés de l'âge d'or disparu.

Hier soir, en arrivant ici, vous avez franchi les cinq enceintes: les trois enceintes de mer, pour jamais desséchées; les deux enceintes de terre, creusées d'un couloir où vous avez passé à dos de chameau, et où, jadis, voguaient les trirèmes. Seule, dans cette immense catastrophe, s'est maintenue semblable à ce que fut alors,dans son antique splendeur, la montagne que voici, la montagne où Neptune enferma sa bien-aimée Clito, fille d'Evenor et de Leucippe, mère d'Atlas, aïeule millénaire d'Antinéa, la souveraine sous la dépendance de laquelle vous venez d'entrer pour toujours.

( édition courante: Le Livre de Poche n°151)

 

 

Jacint VERDAGUER

Un court extrait du Chant IX de "L'Atlàntida" inspiré par la destruction de l'île:

(…)

De l'Empyrée alors, comme un torrent de lave,
Un glaive de feu tombe, et le sommet altier,
Qui porterait le ciel croulant, et qui le brave,
Aux vents, à l'eau, le feu venant se rallier,

Est renversé soudain, ainsi qu'un berceau frêle,
Avec toute sa charge; et la terre sous eux
S'entrouvre, laissant voir à la troupe rebelle,
Jusqu'au fond de son sein, un gouffre ténébreux.

Ils reculent saisis d'effroi ; mais, sur leur tête,
De l'Archange entendant le souffle redoubler,
Ils plongent, quand l'abîme, en tressaillant,s'apprête,
Ouvrant, ouvrant sa gueule, à les tous avaler.

D'un trait, il engloutit monts, Atlants, Atlantide,
Boue, écume, cités, baleines, vols d'oiseaux;
Et, dans un tourbillon d'enfer, un flot rapide
De peuplades, de rocs, de steppes, de vaisseaux.

La tempête pesante y tombe; elle y refoule
La trombe qui luttait sur l'onde, avec les vents.
Ah ! si le monstre bâille encor, la mer s'écoule:
Restait à lui jeter les astres par fragments.

Mais le glaive s'enfonce, et transforme le gouffre
En un volcan qui flambe et hurle; et, de son sein,
S'élève une colonne et de flamme et de soufre,
Que décombres et flots tentent d'éteindre en vain.

Terribles châtiments ! Avec rocs, graviers, bave
Du Teyde, des Atlants sont projetés aux cieux;
Repris par le cratère, ils sont couverts de lave,
Et relancés plus haut dans des gerbes de feux.

Tout royaume voisin tremble. Des liens de marbre
L'unissant à celui qui sombre, il doit trembler.
Libye, Espagne, Albion, branches de ce grand arbre,
Sont dans l'onde avec lui sur le point de rouler.

Qui coupera les bras qu'à leurs cous il accroche?
Semblant leur dire: "O vous que j'aime, tenez bien!"
Pouvoir divin! Ses bras rompus, roche par roche,
S'enfoncent, l'eau bouillonne un instant, puis plus rien!...

L'Ange alors au fourreau remet l'épée ardente.
Le coup qu'il dut frapper, qui peut le publier?
Seule le redirait sa voix retentissante,
Qu'entendra de nouveau le monde au jour dernier.

De l'Afrique à jamais l'Europe est détachée;
Entre elles de deux mers passe le flot vainqueur;
Et la terre coupée en deux, jette, ébranchée,
Par de nouveaux volcans, la flamme de son cœur

Quand le jardinier voit que l'onde aux sillons coule,
Il s'arrête, à sa bêche heureux de s'appuyer:
De même l'Ange attend que le dernier mont croule;
Puis remonte, en prenant la lune pour étrier.

De là, se retournant vers les terres qu'il laisse,
Il leur crie: "Au revoir! Quand viendra votre tour,
J'aurai pour vous des flots de flamme vengeresse.
Craignez Dieu: sa justice aura bientôt son jour!"

Le Ciel entonne alors ses hymnes de victoire,
Tenant à ses accents les mondes suspendus:"
Qui peut rien contre Dieu? L'Atlantide à la gloire
Montait, montait toujours: Dieu tonne, elle n'est plus!

Comme un morceau de ciel, tu la mis sur la terre,
Pour y faire bénir, Seigneur, tes volontés;
Mais ses fils l'employant à te faire la guerre,
Tu les as dans l'abîme, avec elle, jetés.

Tu sauvas cependant, pour le faire renaître
Ici-bas, une fleur de ce jardin d'amours.
Le flot chasse le flot. Les mondes cessent d'être.
Soleil de vérité, tu demeures toujours !"

Sirène qui, des flots, s'élançant folle d'aise,
Pour chanter ses amours, sur des bords enviés,
Voit la mer, que sa voix mélodieuse apaise,
De ses lèvres de sel venir baiser ses pieds,

L'Espagne, que d'en haut le choeur d'Anges appelle,
Se réveille et, voyant la mer autour de soi:
"Qui relève en ton ciel l'astre tombé ?", dit-elle.
Dans ses bras l'étreignant, la mer lui répond: "Toi."

Entre eux, deux anges blonds se croisent, se coudoient.
L'un monte tout en pleurs; l'autre, descendant, rit:"
J'étais l'Ange, dit l'un, des terres qui se noient.
-L'autre : " Moi, je le suis de celle qui surgit. "

Mais déjà vient, semant perles et lis, l'aurore,
Mère guidant les pas du soleil renaissant.
A son tendre baiser, qui de feu les colore,
Se dispersent dans l'air les brouillards d'Occident.

(…)

(Traduit du catalan par Justin Pépratx)

(un plus ample extrait dans " Les Atlantides, généalogie d'un mythe " d'Olivier Boura (Arléa, 1993) voir ici page "Liens et références" )

Les lecteurs catalans pourront trouver le poème intégral en version originale à l'adresse:
http://www.geocities.com/Athens/Acropolis/4045/lit/verdag_atlantida3.html

 

 
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