L'épopée atlante ((( Les âges du monde ))) |
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La disparition de l'Atlantide suppose plus que la destruction d'une île: des destructions concernant la Terre entière et la fin, pour une longue période, de toute société organisée. Une fois au moins. Mais de nombreuses traditions penchent pour plusieurs fois. Platon le pensait et la plupart des mythologies aussi. Quelques exemples pour montrer l'universalité de cette tradition:
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1. extraits du Timée: " Mais l'un des prêtres, qui était très vieux, de dire " Solon, Solon, vous autres Grecs, vous êtes toujours des enfants: un Grec n'est jamais vieux !" A ces mots Solon : " Comment l'entendez-vous ? " Et le prêtre : " Vous êtes jeunes, tous tant que vous êtes, par l'âme. Car en elle vous n'avez nulle opinion ancienne, provenant d'une vieille tradition, ni aucune science blanchie par le temps. Et en voici la raison. Les hommes ont été détruits et le seront encore et de beaucoup de manières. Par le feu et par l'eau eurent lieu les destructions les plus graves. Mais il y en a eu d'autres moindres, de mille autres façons. (...) ( ici, passage relatif au mythe de Phaéton, traité par ailleurs ) (...) Alors, tous ceux qui habitent sur les montagnes, dans les lieux élevés et dans les endroits secs, périssent, plutôt que ceux qui demeurent proche les fleuves et la mer. Mais, pour nous, le Nil, notre sauveur en d'autres circonstances, nous préserve aussi de cette calamité-là, en débordant. Au contraire, d'autres fois, quand les dieux purifient la terre par les eaux et la submergent, seuls les bouviers et les pâtres, dans les montagnes, sont sauvés, mais les habitants des villes de chez vous sont entraînés dans la mer par les fleuves. À l'inverse, dans ce pays-ci, ni alors ni dans d'autres cas, les eaux ne descendent des hauteurs dans les plaines, mais c'est toujours de dessous terre qu'elles sourdent naturellement. De là vient, dit-on, qu'ici se soient conservées les plus anciennes traditions. Mais la vérité est que, dans tous les lieux où il n'y a pour l'en chasser ni un froid excessif ni une chaleur ardente, il y a toujours, tantôt plus, tantôt moins nombreuse, la race des hommes. Aussi, soit chez vous, soit ici, soit en tout autre lieu dont nous avons entendu parler, s'il s'est accompli quelque chose de beau, de grand ou de remarquable à tout autre égard, tout cela est ici par écrit, depuis l'antiquité, dans les temples, et la mémoire en a été sauvée. Mais, chez vous et chez les autres peuples, à chaque fois que les choses se trouvent un peu organisées en ce qui touche l'écriture et tout le reste de ce qui est nécessaire aux cités, voici que de nouveau, à des intervalles réglés, comme une maladie, les flots du ciel retombent sur vous et ne laissent survivre d'entre vous que des illettrés et des ignorants. Ainsi, de nouveau, vous redevenez jeunes, sans rien savoir de ce qui s'est passé ici, ni chez vous, dans les anciens temps. Car ces généalogies que vous citiez à l'instant, ô Solon, ou du moins ce que vous venez d'en parcourir touchant les événements de chez vous, diffèrent bien peu des contes des enfants. Et d'abord, vous ne rappelez qu'un seul déluge terrestre, alors qu'il y en a eu beaucoup antérieurement. Et puis, la race la meilleure et la plus belle parmi les hommes, vous ne savez pas que c'est dans votre pays qu'elle est née, ni que, de ces hommes-là, vous et toute votre cité actuelle vous descendez, car un peu de leur semence s'est conservée. Vous l'ignorez, parce que, pendant de nombreuses générations, les survivants sont morts, sans avoir été capables de s'exprimer par écrit. Oui, Solon, il fut un temps, avant la plus grande destruction par les eaux, où la cité qui est aujourd'hui celle des Athéniens, était, de toutes, la meilleure dans la guerre et singulièrement la mieux policée à tous les égards. Chez elle, dit-on, furent accomplis les exploits les plus beaux ; il y eut les constitutions politiques les meilleures de toutes celles dont nous ouïmes oncques parler sous le ciel. " ( PLATON, "Timée" )
" Lorsqu'en effet le temps assigné à toutes ces choses fut révolu et que l'heure fut venue où le changement devait se produire, lorsque précisément se trouva disparue en son entier cette race née de la terre, chaque âme ayant acquitté son compte de renaissances et étant retombée en semence dans la terre autant de fois que l'exigeait sa loi propre, alors donc le pilote de l'univers, lâchant, pour ainsi dire, les commandes du gouvernail, retourna s'enfermer dans son poste d'observation, et, quant au monde, son destin et son inclination native l'emportèrent à nouveau dans le sens rétrograde. Tous les dieux locaux qui assistaient la divinité suprême en son commandement, comprenant dès lors ce qui se passait, abandonnèrent, eux aussi, les parties du monde confiées à leurs soins. Dans cette volte-face et ce rebroussement, le monde, faisant un bond qui retourne bout pour bout le sens de son mouvement, détermina dans son propre sein une secousse violente, qui, cette fois encore, fit périr des animaux de toute espèce. Dans la suite, lorsqu'au bout d'un temps suffisant ses bouleversements et son trouble eurent pris fin, ses secousses une fois calmées, il poursuivit, d'un mouvement ordonné, sa course habituelle et propre, veillant et régnant en maître sur ce qu'il portait dans son sein autant que sur lui-même, et se remémorant, aussi fidèlement qu'il le pouvait, les instructions de son auteur et père. " ( PLATON, "Le politique" )
1.
Grèce . (
milieu du VIII ème siècle av.JC ) " En or fut d'abord formée par les immortels, habitants de l'Olympe, la race des hommes à la voix articulée. C'était au temps de Cronos, lorsqu'il régnait encore dans le ciel. Les humains vivaient alors comme les dieux, le cœur libre de soucis, loin du travail et de la douleur. La triste vieillesse ne venait point les visiter, et, conservant durant toute leur vie la vigueur de leurs pieds et de leurs mains, ils goûtaient la joie dans les festins, à l'abri de tous les maux. Ils mouraient comme on s'endort, vaincu par le sommeil. Tous les biens étaient à eux. La campagne fertile leur offrait d'elle-même une abondante nourriture, dont ils jouissaient à leur gré, qu'ils recueillaient paisiblement ensemble, comblés de biens (riches en fruits de toute espèce et chers aux dieux immortels). Mais, quand la terre eût enfermé dans son sein cette première race, le grand Zeus en fit des génies bienfaisants, qui habitent parmi nous, veillent à la garde des mortels, observent les actions justes et criminelles, environnés de nuages qui les dérobent à nos yeux, errant sur la surface de la terre et y distribuant la richesse. Telle est la royale fonction qu'ils reçurent en partage. Les habitants des demeures célestes formèrent ensuite une seconde race bien inférieure à la première, celle de l'âge d'argent. Ce n'étaient plus les corps ni les esprits de l'âge d'or. Enfant durant cent années, l'homme croissait lentement par les soins, nécessaires à sa faiblesse, d'une mère attentive, à l'ombre du toit paternel. Puis, lorsqu'il arrivait enfin à la jeunesse9 il vivait quelque temps encore, sujet à des maux produits par son peu de raison. Car les mortels ne pouvaient alors s'abstenir entre eux de l'injure funeste, ils ne voulaient point servir les dieux immortels, ni offrir de sacrifices sur leurs autels sacrés, comme le doivent les sociétés humaines. Aussi Zeus les fit disparaître, irrité de ce qu'ils ne rendaient point d'honneurs aux bienheureux habitants de l'Olympe. Quand la terre eut encore enfermé dans son sein cette seconde race, habitants des demeures souterraines, ils reçurent aussi le nom de bienheureux, placés au second rang, mais non eux-mêmes sans honneurs. Cependant Zeus forma une troisième race, la race de l'âge d'airain, ne ressemblant en rien à celle de l'âge d'argent. C'étaient des hommes robustes et violents, issus de la dure écorce des frênes ; ils n 'aimaient que l'injure et les oeuvres lugubres de Mars; ils ne se nourrissaient point des fruits de la terre; leur cœur avait la dureté de l'acier ; mortels formidables, leur force était extrême : d'invincibles bras descendaient de leurs épaules sur leurs membres vigoureux. Ils avaient des armes d'airain, des maisons d'airain, ils ne se servaient que d'airain. Le fer, ce noir métal, était alors inconnu. Tombés sous l'effort de leurs bras. ils descendirent sans gloire dans la sombre et affreuse demeure de Pluton. Tout terribles qu'ils étaient, la pâle mort les saisît, et ils quittèrent pour toujours l'éclatante lumière du soleil. Mais quand la terre eut encore enfermé dans son sein cette troisième race, le fils de Cronos la peupla d'une race nouvelle, plus vertueuse et plus juste : race divine de ces héros mortels, qu'on appela demi-dieux et qui couvraient la terre immense, dans l'âge qui nous a précédés. La guerre funeste, les combats cruels en enlevèrent une partie près des sept portes de Thèbes, dans la terre de Cadmus, lorsqu'ils y combattaient pour la possession des troupeaux d'Oedipe; elle conduisit les autres, sur des vaisseaux, à travers la vaste mer, dans les plaines de Troie, pour y reprendre Hélène à la belle chevelure. C'est là que la mort les enveloppa de ses ombres. Zeus leur assigna des demeures aux extrémités de la terre. Le cœur libre de soucis, ils habitent les îles Fortunées, sur le vaste Océan, héros bienheureux, pour qui la terre fertile se couvre trois fois l'année de fleurs nouvelles et de fruits délicieux. Pourquoi faut-il que je me trouve dans le cinquième âge? que ne suis-je mort auparavant, ou que ne suis-je encore à naître! C'est maintenant la race de l'âge de fer. Les hommes ne cesseront plus désormais, et le jour et la nuit, de se consumer en peines et en travaux. Les dieux leur enverront des chagrins accablants. Quelques biens cependant se mêleront à tant de maux. Mais l'heure viendra où Zeus anéantira à son tour cette race d'hommes périssables : ce sera alors que les enfants naîtront avec des tempes blanches. " ( HESIODE, "Les Travaux et les Jours" )
Les Aztèques, (mais aussi les Mayas et les autres populations méso-américaines) , pensaient que plusieurs univers avaient existé avant le nôtre. Plusieurs mythes décrivent les quatre mondes, (ou "Soleils "), qui ont précédé le monde actuel. Chacun de ces âges antérieurs a donné lieu à la création d'une humanité et est désigné soit par une date, soit par un élément distinct (terre, vent, feu ou eau) qui symbolise aussi bien la nature de cette création que les modalités de sa destruction. Les mythes relatifs à la succession de ces quatre Soleils nous sont connus par d'anciennes sculptures aztèques et par des manuscrits rédigés peu après la conquête espagnole. Ils donnent une place prépondérante à Tezcatlipoca (le Seigneur du Miroir Fumant) et à Quetzalcoatl (le Serpent à Plumes). Créations et destructions sont les conséquences d'une lutte cosmique pour le pouvoir entre ces deux adversaires divins. Le premier monde, dit Soleil de Terre ou 4-Jaguar et régi par Tezcatlipoca le Noir, est peuplé de géants mais Quetzalcoatl, armé d'un bâton, précipite Tezcatlipoca dans la mer puis ressort de l'océan transformé en un gigantesque jaguar qui extermine la race des géants. La création suivante, dite Soleil de Vent ou 4-Vent est dominée par Quetzalcoatl. Elle est anéantie par Tezcatlipoca, qui abat son rival d'un coup de pied et fait souffler une terrible tempête à l'issue de laquelle tous les habitants de ce deuxième monde sont transformés en singes. Le troisième monde, baptisé Soleil de Pluie ou 4-Pluie et régenté par Tlaloc, est détruit par Quetzalcoatl, qui le consume sous une pluie de feu magique et transforme ses habitants en dindons. Puis vient le monde du Soleil d'Eau ou 4-Eau , qui est placé sous le signe de l'épouse de Tlaloc, Chialchiuhtlicue (" Celle qui porte une Jupe de Jade "), déesse des fleuves et des eaux stagnantes. Ce quatrième univers est détruit lui aussi à la suite d'un déluge massif qui rase les montagnes, jette les cieux sur la terre et change tous les êtres humains en poissons. Ces mondes imparfaits furent suivis par la création du cinquième Soleil qui est notre monde actuel. Le cinquième Soleil fut créé à Teotihuacan, au moment où le dieu Nanahuatzin se lança dans un grand brasier et se transforma miraculeusement en soleil levant. Mais, comme il demeurait immobile, les dieux offrirent alors leur sang pour que l'astre puisse bouger. Voilà pourquoi le cinquième Soleil est connu comme 4-Mouvement. Ce Soleil (le nôtre !) est bien sûr lui aussi voué à la destruction… C'est même (malheureusement...) pour bientôt si l'on en croit certaines interprétations du calendrier maya: apocalypse prévue pour 2012 ( le 21 décembre pour être précis !... ) cette date correspondant au terme du calendrier maya. Il n'y a plus longtemps à attendre. Et puis le "passage dans le IIIème millénaire" en 2000, avec tout son cortège d'imprécations charlatanesques, nous aura (au moins) bien entraînés!...
Cette sculpture ( de 4 mètres de diamètre) est souvent nommée "calendrier aztèque" ( tout autour sont représentés les glyphes des 20 jours du calendrier sacré) mais ce serait plutôt une représentation de la cosmogonie aztèque car elle contient les éléments principaux de la cinquième création. Au centre le visage du dieu solaire Tonatiuh, d'où partent deux pattes de jaguar saisissant des coeurs humains. Autour de l'image du dieu solaire se trouvent les quatre figures des Soleils antérieurs.
Le mécanisme des apparitions et disparitions de l'Univers, des créations et destructions cosmiques alternées, est explicité dans les ouvrages datant du début de l'hindouisme, Lois de Manu ou certains textes de l'Épopée. Cette théorie des âges du monde se rapproche du schéma suivant: la mythologie indienne assigne à chaque maha-yuga une durée considérable, qu'on a fini par dire égale à 4 320 000 années, un maha-yuga se subdivisant en quatre époques (yuga ) d'inégale longueur. (a) La première, le krita-yuga , (semblable à l'âge d'or d'Hésiode) est, du moins à ses débuts, absolument parfaite: les hommes, tous vertueux, vivent alors très longtemps. Mais, insensiblement, la situation se dégrade et l'âge qui lui succède, le tretâ-yuga , (ou âge d'argent) ne contient plus que les trois quarts de la perfection initiale; le temps de vie des êtres humains diminue. À la période du dvâpara-yuga , (ou âge de bronze) le bien et le mal s'équilibrent. Enfin, au kali-yuga, âge de l'obscurité et de la discorde,qui est l'âge dans lequel nous vivons, il ne demeure plus qu'un quart de bien; la durée de la vie s'est de beaucoup réduite. Tout se détériore. Une catastrophe cosmique (du type du Déluge, par exemple) y mettra fin. Pourtant la fin d'un tel âge ne coïncide nullement avec la fin du monde. La foi religieuse hindoue postule, en effet, qu'un sauveur appelé Kalkin, dixième avatar de Visnu, surviendra in extremis, au moment où tout semblera perdu. Se plaçant à la tête du petit groupe des purs, il triomphera des corrompus dans une grande bataille eschatologique au soir de laquelle l'ordre juste (dharma) aura été rétabli et les conditions d'un nouvel âge d'or réunies. Le cycle complet se termine par une "dissolution", un pralaya , qui se répète d'une manière plus radicale (mahapralaya , la "grande dissolution") à la fin du millième cycle. Selon le Mahabharata et les Purana , l'horizon s'enflammera, sept ou douze soleils apparaîtront au firmament et dessécheront les mers, brûleront la Terre. Ensuite, une pluie diluvienne tombera sans arrêt pendant douze ans, la Terre sera submergée et l'humanité détruite (Visnu Purana , 24, 25). Puis tout recommencera. ( Cette "prédiction" fait plutôt penser à un "souvenir" transmis par la tradition: celui de la destruction du monde par une comète ou par un astéroïde qui se fractionne. Voir la page "Le mythe de Phaéton".) (a) Les appellations désignant les différents yuga sont empruntées à celles des faces d'un dé à jouer: le côté gagnant, qui est le plus fort et porte quatre points, est dit "krita" ; le point unique se nomme "kali".
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