1. Économie
Si beaucoup de choses
venaient du dehors, en raison de l'étendue de leur puissance, c'était
l'île qui fournissait la plupart des choses nécessaires à la vie.
D'abord, tous les métaux,
durs ou malléables, extraits du sol par le travail de la mine, sans
parler de celui dont il ne subsiste aujourd'hui que le nom, mais dont
en ce temps-là il y avait plus que le nom, de cette espèce qu'on extrayait
de la terre en maints endroits de l'île, l'orichalque. C'était alors
le métal le plus précieux après l'or.
De même, tout ce qu'une
forêt peut fournir à ceux qui travaillent le bois, tout cela l'île le
procurait en abondance.
(Haut de
page)
2. Faune, flore
Elle nourrissait par
ailleurs suffisamment d'animaux, domestiques et sauvages ; l'espèce
des éléphants y était en particulier largement représentée, car une
pâture s'offrait à satiété non seulement aux autres animaux, tous ceux
qui vivent dans les lacs, les marais et les fleuves et tous ceux qui
par ailleurs vivent sur les montagnes et dans les plaines, mais également
aussi à cet animal qui est par nature le plus gros et le plus vorace.
En outre, tout ce que
la terre nourrit aujourd'hui d'essences aromatiques, qu'elles proviennent
de racines, de pousses, de bois ou de sucs distillés par les fleurs
ou les fruits, l'île excellait à le produire et à le faire croître.
De plus, les fruits
cultivés, les fruits séchés qui sont notre nourriture, et ceux dont
nous nous servons en outre pour notre farine (nous en appelons céréales
toutes les variétés), puis le fruit ligneux qui produit boissons, aliments
et onguents, puis celui encore qui sert à l'amusement et au plaisir,
le fruit à écorce difficile à conserver, ceux qui apaisent celui qui
souffre de l'abondance du repas du soir.
Toutes ces choses, l'île
sacrée, qui était alors sous le soleil, les produisait belles et merveilleuses,
en quantité illimitée.
(Haut de
page)
3 Aménagements de la cité
Ainsi, recevant de leur
terre toutes ces richesses, les habitants de l'Atlantide construisirent
les temples, les demeures royales, les ports et les arsenaux de la marine,
mettant en valeur tout le reste de leur territoire de la manière suivante.
Sur les bras de mer circulaires,
qui entouraient l'antique métropole, ils jetèrent d'abord des ponts,
ouvrant ainsi une voie de communication à la fois vers l'extérieur et
vers les demeures royales.
Ces demeures royales,
ils les avaient dès l'origine élevées là où le dieu et leurs ancêtres
avaient établi leurs demeures. Chaque souverain, recevant le palais
de son prédécesseur, embellissait ce palais que son prédécesseur avait
embelli et continuait de renchérir autant qu'il le pouvait sur son prédécesseur,
jusqu'à ce que la seule vue de la beauté et des dimensions de leur ouvrage
frappe de stupeur.
(Haut de
page)
4. Le grand canal et les anneaux
Ils creusèrent en partant
de la mer un canal de trois plèthres de large, cent pieds de profondeur
et cinquante stades de long et ils le percèrent jusqu'au bras de mer
le plus extérieur ; ils donnèrent ainsi aux navires le moyen de remonter
de la mer vers ce bras de mer, comme vers un port, après y avoir ouvert
un havre assez grand pour permettre aux plus grands vaisseaux d'y pénétrer.
(3 plèthres= 3*29.60m ; 100 pieds= 100*0.296m; 50 stades = 50*117.60m
Le canal a donc 88.80 m de large, 29.60 m de profondeur, 5.880 km de
long.)
Et en particulier, dans
les anneaux de terre qui séparaient les anneaux de mer, ils pratiquèrent
à la hauteur des ponts des ouvertures qui devaient permettre à une seule
trière à la fois de passer d'un anneau de mer à l'autre, et ils couvrirent
ces passages de toits assez hauts pour que la navigation soit en dessous,
car les bords des anneaux de terre dépassaient d'une hauteur suffisante
le niveau de la mer.
Le plus grand des anneaux,
celui où pénétrait la mer, était large de trois stades, et l'anneau
de terre qui lui faisait suite était de la même largeur.
( 3stades= 352.80 m)
Des deux autres anneaux,
celui d'eau était large de deux stades et celui de terre ferme était
encore d'une largeur égale au précédent qui était d'eau.
( 2 stades= 235.20 m)
Enfin, l'anneau d'eau
qui entourait l'île centrale avait un stade de largeur.
( 1 stade=117.60 m)
Quant à l'île où se trouvaient
les demeures royales, elle avait un diamètre de cinq stades.
(5 stades=588 m)
(Haut de
page)
5. Constructions diverses
Or, cette île, les anneaux
et le pont (qui avait une largeur d'un plèthre - soit 29.6m), ils les
entourèrent entièrement d'un mur de pierre circulaire, avec des tours
et des portes sur chaque côté des ponts aux passages de la mer.
La pierre fut extraite
de dessous la périphérie de l'île centrale et de dessous les anneaux
extérieurs et intérieurs. Elle était blanche, noire ou rouge.
Et en même temps qu'ils
extrayaient la pierre, ils firent en creux une double cale couverte,
dont le rocher lui-même constituait le toit.
Et pour ce qui est des
bâtiments, certains étaient simples, alors qu'ils mélangeaient les pierres
en construisant pour l'amusement d'autres ensembles bariolés, en donnant
aux constructions un aspect naturellement plaisant. Le mur qui entourait
l'anneau extérieur, ils en recouvrirent tout le tour de bronze, comme
en appliquant un vernis ; celui de l'enceinte intérieure fut enduit
d'étain fondu ; et celui qui entourait l'acropole elle-même d'un orichalque
qui avait des éclats de feu.
(Haut de
page)
6. L'Acropole et le sanctuaire de
Poséidon
À l'intérieur de l'acropole,
les demeures royales étaient disposées de la manière suivante.
Au milieu même s'élevait
le temple consacré à Clito et à Poséidon, dont l'accès était interdit,
entouré d'une clôture d'or c'est là qu'à l'origine, Clito et Poséidon
avaient conçu et enfanté la race des dix familles royales.
C'est aussi là que, chaque
année, on venait des dix parties du territoire pour sacrifier aux rois
les prémices de saison.
Le sanctuaire même de
Poséidon avait un stade de long, trois plèthres de large et une hauteur
proportionnée pour le regard ; sa forme avait quelque chose de barbare.
( soit: 117.60 m sur 88.80 m, le Parthénon ne mesurait que 69.50
m sur 30.88 m)
Tout l'extérieur du
sanctuaire avait été recouvert d'argent, à l'exception des arêtes du
fronton qui étaient recouvertes d'or.
À l'intérieur, tout
le plafond était d'ivoire mêlé d'or, d'argent et d'orichalque, ce qui
lui donnait un aspect bariolé ; tout le reste, les murs, les colonnes
et le pavement, ils le recouvrirent d'orichalque.
Des statues en or s'y
élevaient ; celle du dieu, debout sur son char attelé de six chevaux
ailés et, tout autour du dieu qui était si grand que le sommet de sa
tête touchait le plafond, il y avait des Néréides montées sur des dauphins,
au nombre de cent (car les gens d'alors croyaient que c'était là leur
nombre).
Il y avait encore à l'intérieur
beaucoup d'autres statues qui étaient les offrandes votives de particuliers.
Dehors, autour du sanctuaire,
s'élevaient les images en or des dix rois comme de leurs femmes et de
tous les descendants qu'elles avaient engendrés, puis de nombreuses
autres grandes offrandes votives, venant de ces rois et de ces particuliers,
originaires soit de la cité même soit des régions qu'ils dominaient.
Quant à l'autel, il était
par sa grandeur et par sa facture à la mesure de cette construction,
tout comme les demeures royales convenaient à la grandeur de l'empire
et à l'ornementation du sanctuaire.
(Haut de
page)
7. Les sources
S'agissant des sources,
celle au cours froid et celle au cours chaud, dont le débit était abondant
et inépuisable, elles étaient chacune merveilleusement propre à l'usage
grâce à l'agrément et à l'excellence de leurs eaux.
Ils avaient construit
autour d'elles des édifices, ils avaient planté des arbres appropriés
à la nature des eaux, installé encore tout autour des citernes, certaines
à ciel ouvert, d'autres couvertes pour les bains chauds en hiver.
Les citernes royales
étaient séparées de celles des particuliers et de celles des femmes,
mais encore de celles destinées aux chevaux et aux autres bêtes de somme,
chacune avec la décoration appropriée.
Quant à l'eau courante,
ils la conduisaient au bois sacré de Poséidon (où il y avait toutes
sortes d'arbres d'une beauté et d'une hauteur divines, grâce à l'excellence
de la terre), puis jusqu'aux anneaux extérieurs par le moyen de canalisations
le long des ponts.
(Haut de
page)
8. Les bâtiments publics
De ce côté, on avait
aménagé de nombreux temples pour de nombreux dieux, de nombreux jardins
et de nombreux gymnases, certains pour les hommes et certains à part
pour les chevaux, sur chacune des deux îles formées par les anneaux.
Il y avait par ailleurs
un hippodrome, dans un espace réservé près du milieu de l'île la plus
large ; il était large d'un stade et, pour la longueur, un espace avait
été laissé libre tout autour de l'anneau pour les courses de chevaux.
Tout autour de cet hippodrome,
de part et d'autre, il y avait des casernes pour la plupart des gardes,
tandis qu'aux plus sûrs d'entre eux avait été attribué un poste de garde
dans l'enceinte la plus petite, la plus proche de l'acropole, et qu'à
ceux qui se distinguaient entre tous par leur fidélité, on avait affecté
des logements à l'intérieur de l'acropole tout autour des demeures royales.
Les arsenaux étaient
remplis de trières et de tous les équipements qui leur conviennent,
le tout préparé comme il faut.
(Haut de
page)
9. Le grand rempart circulaire
Les alentours de la demeure
des rois étaient disposés de la manière suivante : quand on passait
les ports extérieurs au nombre de trois, on trouvait un rempart circulaire,
commençant à la mer et partout distant de cinquante stades de l'enceinte
la plus vaste et de son port.
Ce rempart venait se
refermer lui-même à l'embouchure du canal du côté de la mer. Il était
tout entier couvert de maisons nombreuses et serrées les unes contre
les autres ; quant au canal et au plus grand port ils regorgeaient de
navires marchands et de commerçants venus de partout, qui, en raison
de leur nombre, produisaient par leur conversation et par la diversité
des bruits qu'ils faisaient un vacarme assourdissant de jour et de nuit.
Sur la ville et sur son
ancienne disposition, on a maintenant rappelé l'essentiel de ce qui
avait été dit autrefois.
(Haut de
page)
10. Le reste du territoire
C'est ce qu'était la
nature du reste du territoire et la forme de sa mise en ordre qu'il
faut désormais rapporter
On racontait d'abord
que la région entière était élevée et escarpée au-dessus de la mer,
tandis que tout le terrain autour de la cité était plat.
Cette plaine était elle-même
entièrement encerclée par des montagnes qui se prolongeaient jusqu'à
la mer ; elle était lisse et égale, oblongue dans l'ensemble, mesurant
trois mille stades de côté et deux mille stades au milieu, en remontant
à partir de la mer (352 km sur 235km)
Toute cette région de
l'île était orientée vers le sud et abritée des vents glacés venant
du nord.
Et les montagnes qui
l'entouraient étaient célébrées en ce temps-là, car elles surpassaient
en nombre, en majesté et en beauté toutes celles qui existent aujourd'hui,
et on y trouvait des villages nombreux et populeux, des fleuves, des
lacs, des prairies fournissant la nourriture nécessaire à tous les animaux,
domestiques et sauvages, et des forêts qui, par la quantité comme par
la variété de leurs espèces, constituaient une source inépuisable pour
l'ensemble des ouvrages et pour chacun d'eux en particulier.
(Haut de
page)
11. La plaine centrale
Voici comment, pendant
longtemps, cette plaine avait été travaillée par la nature comme par
de nombreux rois.
Elle formait à l'origine,
comme je l'ai dit, un quadrilatère, dont les côtés étaient presque rectilignes
et dont la longueur surpassait la largeur ; et ce qui manquait à cette
forme avait été corrigé par le moyen d'un fossé creusé tout autour
Pour ce qui est de la
profondeur, de la largeur et de la longueur de ce fossé, elles étaient
telles, sans compter les travaux concomitants, que ce qu'on en dit est
incroyable pour un ouvrage dû à la main de l'homme ; mais il faut bien
répéter ce que nous avons entendu raconter
Le fossé fut creusé à
un plèthre de profondeur et sa largeur était partout d'un stade. Comme
il était creusé autour de la plaine tout entière, sa longueur était
de dix mille stades.
Après avoir reçu les
cours d'eau qui descendaient des montagnes, il faisait le tour de la
plaine et, d'un côté comme de l'autre, il rejoignait la cité pour aller
à partir de là se vider dans la mer.
Depuis la partie haute
du fossé, ils avaient ouvert des canaux rectilignes, larges d'environ
cent pieds, qui coupaient la plaine pour rejoindre le fossé près de
la mer ; la distance entre chaque canal était de cent stades.
C'est par ce moyen qu'on
apportait jusqu'à la ville le bois venu des montagnes et qu'y étaient
transportées, par bateau, les divers produits de saison, grâce à des
chenaux navigables, obliques les uns par rapport aux autres, ouverts
à partir des canaux dans la direction de la cité.
Et deux fois par année,
on récoltait les produits de la terre, en se servant des eaux de Zeus
en hiver, et en été de celles que donnait la terre, en dirigeant leurs
cours hors des canaux.
(Haut de
page)
12. L'administration du pays
Dès l'origine, les magistratures
et les charges publiques avaient été ordonnées de la manière suivante:
chacun des dix rois régnait sur les hommes et sur la plupart des lois
dans sa propre partie du territoire et dans sa cité, punissant et condamnant
à mort qui il voulait.
Mais le pouvoir qu'ils
avaient les uns sur les autres et leur communauté était réglé d'après
les instructions de Poséidon, telles qu'elles avaient été transmises
par une loi, gravée par les premiers rois sur une colonne d'orichalque
au centre de l'île dans le sanctuaire de Poséidon.
C'est là que les rois
se réunissaient tous les cinq ans puis tous les six ans, faisant ainsi
la part égale au pair et à l'impair
Lorsqu'ils étaient réunis,
ils délibéraient sur les affaires communes, ils examinaient si tel d'entre
eux avait commis quelque infraction et ils rendaient la justice.
Et lorsqu'ils devaient
rendre la justice, ils se témoignaient d'abord une confiance réciproque
de la manière suivante. Des taureaux étaient libérés dans l'enceinte
du sanctuaire de Poséidon ; les dix rois y étaient seuls et priaient
le dieu de capturer la victime qui lui serait agréable ; sans armes
de fer, avec des épieux et des lacs, ils se mettaient en chasse.
Celui des taureaux qu'ils
avaient capturé, ils le conduisaient à la colonne et l'égorgeaient à
son sommet, contre l'inscription. Sur la colonne, outre les lois, figurait
un serment qui prononçait de terribles imprécations contre ceux qui
le trahiraient.
Quand donc, après avoir
sacrifié selon leurs lois, ils consacraient tous les membres du taureau,
ils remplissaient de vin trempé un cratère, et lançaient un caillot
de sang sur chacun d'eux. Le reste était porté au feu et la colonne
était purifiée. Après quoi, puisant dans le cratère avec des coupes
d'or, ils faisaient une libation sur le feu, ils prononçaient le serment
de juger selon les lois de la colonne, de châtier quiconque d'entre
eux les aurait transgressées antérieurement d'une quelconque façon,
de ne contrevenir de leur plein gré à l'avenir sur aucun point aux ordres
de la prescription, de ne commander et de n'obéir que conformément aux
lois de leur père.
Après avoir pris cet
engagement pour lui-même en particulier et pour toute sa descendance,
chaque roi buvait et remettait la coupe en ex-voto dans le sanctuaire
du dieu, après quoi il s'occupait du repas et vaquait à ses obligations.
Quand l'obscurité était tombée et que le feu du sacrifice s'était éteint,
tous, revêtus d'une très belle robe de couleur bleu sombre, s'asseyaient
par terre dans les cendres qu'avait laissé le sacrifice offert pour
sceller le serment. Alors, plongés dans la nuit, après que tous les
feux autour du sanctuaire avaient été éteints, ils étaient jugés ou
bien ils jugeaient, si l'un accusait un autre d'avoir commis une infraction.
Lorsqu'ils avaient rendu
la justice, ils gravaient à la lumière du jour les jugements sur une
tablette d'or qu'ils consacraient en souvenir avec leur robe.
Il y avait encore de
nombreuses autres lois sur les attributions propres à chacun des rois,
dont les plus importantes étaient de ne jamais prendre les armes les
uns contre les autres, de s'apporter tous une aide mutuelle, dans le
cas où quelqu'un entreprendrait dans une quelconque cité de renverser
la famille royale, de délibérer en commun, comme leurs ancêtres, sur
le parti à prendre concernant la guerre et les autres affaires, en laissant
l'hégémonie à la famille d'Atlas.
Enfin, qu'un roi n'était
maître de donner la mort à aucun des membres de sa famille, sauf s'il
obtenait le consentement de plus de la moitié des dix rois.
(Haut de
page)
13. Carte de l'Empire